6ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 9 février 2009Lectures : Lire
Pour comprendre la première lecture et l’évangile, il faut se situer dans le contexte de l’époque. La loi de Moïse n’était pas la seule à traiter les lépreux en parias. Ces malheureux étaient exclus de toutes les sociétés antiques. En tant que maladie contagieuse, la lèpre apparaissait comme une malédiction. Il était interdit à ceux qui en étaient atteints d’entrer en relation avec autrui. Ils étaient même privés des soins qui auraient pu les soulager. Dans le livre du Lévitique (1ère lecture), la “loi de pureté” codifie et sacralise les précautions à prendre contre la lèpre. Elle indique les règles à suivre pour pouvoir participer au culte et rester dans la communauté.
Or voilà que l’évangile nous présente un lépreux qui ne respecte pas ces interdits de la loi. Au lieu de rester à l’écart, loin de tout le monde, cet homme vient trouver Jésus pour le supplier : “Si tu le veux, tu peux me purifier.” Et Jésus se laisse approcher. Par ce simple contact avec le lépreux, il prend le risque d’être lui-même victime de la contagion et de devenir impur. Et pourtant, il n’hésite pas : “Pris de pitié pour cet homme, il étendit sa main et lui dit : Je le veux, sois purifié.” Jésus touche l’intouchable. Il accomplit un geste interdit par la loi. Ce geste le rend légalement impur. Jésus brise tous les interdits inhumains, même s’ils viennent de la religion. Depuis que ce pauvre homme était devenu lépreux, plus personne n’avait pris le risque de le toucher.
Il nous faut bien voir toute la grandeur de cet acte de foi du lépreux : “Si tu le veux, tu peux me purifier…” Voilà un modèle de prière que nous pouvons tous prendre à notre compte. Nous l’entendons régulièrement au cours des processions au Saint Sacrement à Lourdes. Le Dieu de l’Ancien Testament est un Dieu fort qui intervient “à main forte et à bras étendus” pour sauver son peuple. Celui du Nouveau Testament se présente comme un nouveau-né qui compte sur ses parents pour vivre. Et il finira sa vie comme un condamné, flagellé et mis à mort sur une croix. C’est un Dieu qui laisse de côté sa Toute-puissance pour se faire l’un de nous. En agissant ainsi, il nous invite à faire un pas de plus, à changer notre mentalité par rapport à toutes les mentalités inhumaines qui voudraient nous imposer leur loi.
Aujourd’hui, la lèpre n’est plus une cause d’exclusion. Elle est même devenue une cause de générosité. Chaque année, une collecte est organisée pour donner plus de moyens à ceux qui luttent pour éradiquer cette maladie. Dans le passé, et encore aujourd’hui, des missionnaires se sont engagés pour que ces malades soient soignés et traités dignement. Mais il y a une autre lèpre qui menace notre monde : c’est la course au profit qui fait que les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres, c’est la montée du racisme, du chômage et de la précarité. D’autres sont exclus à cause de leur passé et de leur réputation ou encore parce qu’ils ont fait un séjour en prison. La société les enfonce et ne leur laisse aucune chance.
En venant à l’église, nous sommes invités à accueillir la Parole de l’Evangile. Il nous dit que le lépreux est venu à Jésus et qu’il a été accueilli. Le Seigneur n’attend qu’une chose : c’est que nous allions à lui. Il veut sortir l’homme de toutes les exclusions dont il est victime, celle de la lèpre mais aussi celle de toutes les violences qui l’oppriment. Et surtout, il veut nous purifier de nos péchés. Il est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. Il veut les réinsérer dans leur communauté. Il veut qu’ils y retrouvent toute leur place et toute leur dignité.
C’est sur ce chemin de conversion que Jésus veut conduire ses disciples et chacun de nous. Il attend de nous que nous brisions les barrières de la peur et du conformisme pour “étendre la main” vers nos semblables déshérités ou méprisés. Seule la contagion de l’amour peut vaincre les lèpres qui rongent nos sociétés. Elle nous aidera à voir tous ces millions d’exclus rejetés “hors du camp”. Toucher le lépreux sera tous le geste qui sauve en rétablissant le courant de la vie.
En cette année Saint Paul, nous entendons le message qu’il adressait aux chrétiens de Corinthe : “Mon modèle c’est le Christ.” Cette parole caractérise tout chrétien. Comme lui, nous avons tous à prendre le Christ pour modèle. La loi d’amour qu’il est venu instaurer est bien plus forte que tous les interdits imposés par la société. Quand Jésus touche le lépreux, c’est Dieu qui abolit toutes les distances. C’est le Père qui se fait proche pour remettre le lépreux dans le monde de la vie et des autres.
En venant célébrer l’Eucharistie, nous allons nous remplir et nous imprégner de cet amour qui est en Dieu. Puis à la fin, nous sommes envoyés pour prolonger à notre tour sa tendresse dans nos relations avec les autres. Soyons partout des témoins de la bonté de Dieu et de sa victoire sur le mal pour que tout homme en reçoive une espérance.
D’après diverses sources
6ème dimanche -Année B- 15 février 2009 – Evangile de Marc 1, 40 – 45
Proclamer la Bonne Nouvelle du Pardon
Quelle est la différence entre un historien et un évangéliste ?
Le premier se livre à une enquête sérieuse afin de rapporter avec la plus grande exactitude les événements de telle époque, les réalisations de tel roi, les exploits de tel grand personnage. Il transporte son lecteur dans le passé, lui donne l’impression d’être là, lui prouve que tout s’est réellement produit comme il l’a écrit. On en reste au niveau de l’information, de la curiosité, de l’érudition.
L’évangéliste, lui, opère le mouvement inverse: dans sa foi en Jésus ressuscité, il ne cherche pas à reconstituer les circonstances du passé. Au contraire, il veut montrer au lecteur que le Jésus du passé est le SEIGNEUR D’AUJOURD’HUI qui peut le rejoindre dans son existence. La Bonne Nouvelle ne consiste pas à savoir des faits anciens mais à actualiser et vivre l’Evangile au présent.
Ainsi en ce dimanche, saint Marc, en nous racontant la guérison du lépreux, ne nous fournit aucun détail: où ça s’est-il produit ? quel jour ? comment s’appelait ce malade ? …Marc sait que les précisions les plus détaillées ne pourraient convertir le sceptique.
Il rédige son récit pour que je me rende compte que c’est moi le lépreux et que le Seigneur peut et veut me guérir aujourd’hui si je l’implore.
Un lépreux vient trouver Jésus, il tombe à ses genoux et le supplie: ” Si tu le veux, tu peux me purifier!”. Pris de pitié devant cet homme, Jésus étend la main, le touche et lui dit: ” Je le veux, sois purifié”. A l’instant même, sa lèpre le quitta et il fut purifié. Aussitôt Jésus le renvoya avec cet avertissement sévère: ” Attention ! ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre et donne pour ta purification ce que Moïse prescrit dans la Loi: ta guérison sera pour les gens un témoignage”. Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle de sorte qu’il n’était plus possible à Jésus d’entrer ouvertement dans une ville. Il était obligé d’éviter les lieux habités, mais de partout on venait à lui”.
LÈPRE ET PÉCHÉ
Dans l’antiquité, on appelait lèpre non seulement la maladie de ce nom mais toute infection dermatologique grave et il était courant de la comparer au péché. En effet on remarque entre les deux de grandes similitudes.
—–L’infection commence sans qu’on y prête grande attention: petit bouton anodin, tache indolore. Peu à peu la tache s’agrandit, le mal infecte les alentours. On se dit que ça va passer. Le voisin vous rassure: il a eu la même chose et il en est sorti.
Le chatouillement ou la souffrance s’aiguisent: on se rend chez le pharmacien, chez un guérisseur, on applique un remède sans résultat. Puis un autre tout aussi inefficace. Après un temps, on prend conscience: le mal est plus grave qu’on ne pensait, la purulence s’est aggravée, la pourriture apparaît. On consulte un spécialiste. Pire encore, le mal se répand, risque de se communiquer à l’entourage. Devant le danger de la contagion, la société vous rejette à l’écart, vous êtes exclu, vous devenez un paria, un marginal.
—– De la même façon, le péché débute souvent par une pensée, une action sans guère d’importance. On pressent vaguement que l’on n’agit pas bien mais, on ne fait pas beaucoup de mal, c’est pour rire, les autres en font autant….
Cependant l’infraction devient habitude: ce que l’on a fait à l’occasion, on le réitère et petit à petit cela devient une habitude, une accoutumance.
Un jour vient où l’on en prend conscience: on voudrait se corriger, revenir en arrière, se débarrasser de ce penchant. Peine perdue: en dépit des bonnes résolutions, on cède et on rechute encore et encore. On est prisonnier.
Ainsi l’âme se corrompt, comme rongée d’une lèpre sournoise: elle devient impure, souillée et la volonté est devenue impuissante à endiguer le flux des tentations. Et peu à peu, parce que vous êtes devenu insupportable, les autres vous mettent à l’écart, vous refusent leur compagnie, vous rejettent avec mépris, parfois vous enferment parce que vous êtes devenu dangereux.
QU’EST-CE QUE LE PÉCHÉ ?
En hébreu, un des mots pour nommer le péché signifie “rater la cible, manquer le but” (comme un archer, un tireur)
Sur la ligne du temps qui lui est imparti, chacun de nous, grâce à ses actions, s’accomplit en marchant vers son but, Dieu. S’il agit contrairement à son perfectionnement, il “rate sa cible”, il dévie de son terme, il bascule dans une ornière, il prend un mauvais chemin.
Du coup, en ne cherchant plus Dieu, il s’abîme lui-même et il se retranche des autres. Le péché est en même temps écartement de Dieu, déshumanisation personnelle et isolement, perte de communauté, “ex-communion”.
JESUS CHRIST SAUVEUR
Le lépreux du récit était un homme très malheureux, il souffrait de sa défiguration, de sa mise à l’écart, de l’effroi qu’il provoquait chez les autres, il avait sans doute tout tenté pour guérir de son mal affreux.
Et voilà qu’il entend parler de Jésus: il le cherche, il le rencontre sur la route, il crie, il supplie: ” Si tu veux, tu peux me purifier !”.
Nous-mêmes, souffrons-nous de l’état pitoyable où le péché nous a mis ? Ne restons-nous pas aveugles sur la gravité de nos failles, et même vaguement complice du mal que nous avons commis ? Ou sommes-nous découragés, persuadés que nous ne pourrons jamais en sortir ?
L’horreur du plus grand crime n’équivaudra jamais à l’immensité de l ‘amour du Christ manifesté au Golgotha. Depuis ce jour, nul désespoir n’est définitif.
Tout pécheur-lépreux peut contaminer ses proches car ils sont portés à l’imiter. Mais lorsqu’il touche le Christ (par la foi), c’est la pureté de celui-ci qui est la plus forte et qui vainc son impureté. ” JE LE VEUX: SOIS PURIFIE.
La volonté de Dieu n’est pas de châtier mais de pardonner. Si hideux soit le crime. Si nombreuses les rechutes. Un mot suffit !
Alors la joie est telle qu’elle ne peut se taire: malgré la défense, l’homme s’encourt partout dans l’allégresse de partager son nouveau bonheur. Comme Jésus, à son tour, IL PROCLAME, il devient missionnaire, apôtre.
SAINT PAUL LE PECHEUR PARDONNE
Longtemps, en parfait pharisien, Paul était convaincu d’être pur: à force de luttes et de sacrifices, il construisait sa statue, il peaufinait sa perfection.
Jusqu’au jour où le Christ lui révéla sa faute: il se rendit compte qu’il demeurait esclave du péché. ” Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ?”(Rom 7, 24) . Mais il découvrit le Christ. Ou plutôt le Christ vint à sa rencontre et au lieu de le punir, il s’adressa à lui avec tendresse et, en un instant, lui donna la pureté qu’il avait en vain cherché à acquérir dans l’ obéissance à des lois et l’observance des rites.
Alors, fou de joie, il put s’écrier: ” Grâce soit rendue à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur !(Rom 7,25)…Là où le péché a proliféré, la grâce a surabondé (Rom 5, 20)…Maintenant il n’y a plus aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus Christ. Car la loi de l’Esprit qui donne vie en Jésus Christ m’a libéré de la loi du péché et de la mort” (Rom 8, 1).
Et Paul devint le plus intrépide des Apôtres: il fallait le dire à tout le monde !!!!
Si nous ne proclamons pas la Bonne Nouvelle, n’est-ce pas parce que nous n’avons pas goûté la joie du pardon ?
Et si nous ne percevons pas que, sans le Christ, nous restons des pécheurs condamnés, sommes-nous chrétiens ?…
R. D…, dominicain
Homélie du Père Meynen en mp3 : http://meynen.homily-service.net/an2006/mp3/b6dmann.mp3
Prière universelle
Le lépreux de l’évangile n’a pas hésité à demander sa purification. Avec la même confiance, faisons monter notre prière à toutes les intentions de l’Église
1. Seigneur, nous te prions pour ton Église. Guide-la et fortifie-la pour qu’elle soit le lieu de la rencontre, de l’accueil, du partage et de la réconciliation pour tous les hommes et les femmes de ce temps. Seigneur, nous te prions.
2. Seigneur, nous te prions pour ceux qui gouvernent notre société. Eclaire-les pour qu’ils fassent respecter le droit des personnes et qu’ils garantissent le bien de chacun. Seigneur, nous te prions.
3. Seigneur, nous te prions pour les lépreux d’aujourd’hui, les personnes handicapées, les malades du cancer et du Sida et bien d’autres. qu’ils trouvent autour d’eux des amis qui les aident.
4. Seigneur, nous te prions les uns pour les autres et pour nos familles. Donne-nous la force de vivre l’évangile et l’audace de l’annoncer, spécialement auprès des plus pauvres et des plus délaissés. Seigneur, nous te prions.
Père, ton oreille se fait attentive aux souffrances de notre monde. Accueille notre prière et daigne l’exaucer. Par Jésus le Christ notre Seigneur qui vit et règne pour les siècles des siècles. Amen